克林姆林宫的信息战4|5 俄当局使本国境内的记者就范后,将矛头对准国外,不遗余力地通过媒体代替以往在国际上的宣传。
在俄国,人们对唐纳德·特朗普的痴迷成为了现象级的事件。一月份,首次由美国总统替代了弗拉基米尔·普金,成为俄国各大媒体的封面,根据国际文传电讯社统计,202 000取样中有147 700可以证明这一情况。到了二月份,一切回归正常。少数NOD(亲普金的人民自由运动)拥护者在今日俄国(官媒通讯社)总部前,挥动着“不要崇拜特朗普”的标语牌,克林姆林宫的主人重新成为提及最多的十大人物之首。在俄国,媒体是政权在“信息战”最好的晴雨表和最有效的工具。
使媒体就范的行动非常迅速。弗拉基米尔·普金在2000年一上台就大肆整顿报刊和视听领域。20世纪90年代在这个领域投资的寡头,一个接一个地撤出了他们的资产。2001年以来,弗拉基米尔·古森斯基被迫出售强盛的最媒体集团,该集团拥有数家连锁电视台(包括NTV),莫斯科回声广播电台以及众多的杂志。
2001年4月的一个夜里,内务部特种机动部队OMON(中文名:特别用途机动单位)用武装包围了NTV所在地用来安排新的方针,并驱逐了试图抵抗的记者之后,该企业很快就屈服了。根据司法决定,这家在今天已经被驱逐了的巨头控股公司(它有西班牙国籍)被强盛的国家碳氢集团子公司——俄罗斯天然气工业股份媒体公司收购,这家公司拥有超过38家的连锁电视台,10家广播电台,三家网络运营商,一家卫星广播运营商,4家出版社,23个网站以及4家公共广告局。
2002年,因逃税漏税受到追捕的大魔头鲍里斯·别列佐夫斯基从俄国逃到英国,2013年死于英国,死亡原因表面上看是自杀,留下了ORT和TV6连锁电视台,以及俄罗斯日报集团。自此,ORT(改名为第一频道)在全国为克林姆林宫发声。2003年,为了俄罗斯天然气工业股份媒体公司的利益,轮到弗拉基米尔·波塔宁解除专业媒体集团,该集团拥有众多报纸,包括《消息报》,《真理报》以及《体育日报》。渐渐地,独立媒体的空间不停地遭到摧毁。今天,它们只剩少数,例如Dojd频道,NovaÏa-Gazeta报纸或者RBK集团,还在一个艰难的环境中抵抗。
莫斯科回声电视台里主持一档每周节目的记者谢尔盖·帕克霍孟克表示:“最近的17年,克林姆林宫重新将媒体夺回手上的这种比审核更有效的方式已经运用到了经济上,对广告和商品分配进行施压”。
“我们从最媒体受控制之初就感受到这种情况了”,他继续道:“那时候,”我管理Itogui——一个具有指引作用的小组名,广告商因为税及海关方面的问题都逃走了。他们很清楚哪里去寻求利益。在产品流通领域同上:一天时间内,十几家有线电报和卫星运营商拒绝播送已经损失80%听众的Dojd。”小频道只能在网上播送。
2014年1月,一个记者提出“为了一些生命是否要将城市拱手让给德国人?”,她认为能有Djod的命运就很好了,在此之后,掀起了一场关于列宁格勒围困的笔战,该地正值城市解放70周年。对大部分人来说
都是个借口。因为那一年,伴随着乌克兰东部的冲突以及对克里米亚的吞并,俄国媒体业出现了新的转折点。该行业的企业或者记者第一次进入西方制裁的名单。Gazprom-media出现在美国《财富》杂志上;,第一频道知名主持人兼《今日俄国》领导人德米特里·基斯勒维同时位列美国和欧洲两边的名单上。
转播支配性言论 2014年9月,杜马(俄罗斯议会)投票通过一项法律,将俄国现有媒体行业的外国参与率降低到20%,原因正如众议员瓦蒂姆·登吉纳(右派名族主义)曾经解释过的,他们会影响人们的思想,形成公众观点。
一个月后,10月份,克林姆林宫对外宣传的最后一步Sputnik(卫星)多媒体信息服务问世。这个多媒体平台以空前的速度建立,并且由多语种播送。它是《今日俄国》的一部分,RT(《今日俄国》)卫星频道的所有者,已经在世界各地播送,如英国,美国,很快还会到法国。
该集团在2013年12月9日由弗拉基米尔·普金下令建立,受国家预算全权出资,要求恢复播送“俄国的观点”,反对国际“主流”媒体的控制。
俄新社和俄国之声广播电台合并计划完全是在克林姆林宫产生的,主要构思者是鲍里斯·叶尔钦社前顾问米哈伊尔·勒席纳,其次是弗拉基米尔·普金的通讯部长以及在2013至2015年间管理过Gazprom-media并为其摧毁《最媒体》的关键人物之一,该计划投入了几十亿的卢比(据估算,2015年70亿,即1,13亿欧元)。勒席纳突然离开前往加利福尼亚生活,于2015年11月在华盛顿一家环境混乱的旅馆里去世,享年57岁。在宣布他的死讯时,弗拉基米尔·普金对他为“创立现代俄国媒体所做的巨大贡献”致敬。
由62岁的领导的这家公司,在今天获得了特殊的声望,风头盖过了那些“历史性的”通讯社以及一些相对中立的通讯社,如塔斯社和国际文传通讯社。德米特里·基斯勒维因发表反同性恋文章和极端抨击性文章闻名,比如2014年3月他在节目上说俄国是“唯一能用核武器摧毁美国的国家”。鉴于对克里米亚的吞并以及俄国在乌克兰顿巴斯进行的混合战争,克林姆林宫加紧了它的宣传,欧洲议会在2016年11月一致通过一个方案,阻止这些从俄国财政大量获利的“工具”继续发挥作用。
2017年1月,在有关俄国干涉美国总统选举的美国情报汇报的撤销密级部分,36岁的RT(《今日俄国》,2016年预算2.5亿美元)首席编辑,玛格丽塔·西蒙尼的名字将被提到不少于26次。文件表明:“俄国的宣传机器由RT和Sputnik组成,利用克林姆林宫的通讯平台来为影响战斗做出贡献”。
协同俄国主要的频道,RT和Sputnik增加了关于乌克兰矾的报告,哪怕捏造,就像在《第一频道》上做的事情一样,一个被钉在十字架上的3岁儿童,或者不断地播送有关西方的激进的报道,有时候甚至是断章取义的,特别是强调关于欧洲移民带来的危机或者关于社会游行方面的内容。奥巴马政府曾一度成为炮击的对象。
“记者是孤独的”作为俄国支配性言论的接力棒,这些媒体也在力求国外知名人士的宠幸,通常利用慷慨的交换物或者事件捐赠。2015年12月,迈克尔·弗林,前美国军情处处长,在《今日俄国》周年晚宴上出现在弗拉基尔·普金的身边。《纽约客》在2月27日长篇报道弗林将军,他将获得40000美元。弗林先生,唐纳德·特朗普先生美国大选期间的狂热支持者,成为了美国国家安全顾问,之后不到一个月因其与俄国驻华盛顿大使有联系而辞职。在莫斯科,俄国部分负责人,共和党人领导的国外法国人联盟典礼由Sputnik赞助。
阿琳娜·鲍罗丁娜认为:“俄国的政权和媒体总是联系在一起,鲍里斯·叶尔钦的时期亦是如此,但是,从乌克兰开始,革命变得异常可怕。”这位曾作为讲师任教于莫斯科记者学院的媒体行业专业记者认为:“电视成为了战争的先遣部队”。
“这些事件之前,”她补充道,“我们仍可以通过玛丽安娜·马克西莫维斯卡伊娃在Ren-TV上的《一周》节目上表达其它的观点,不一定是反面的,Ren-TV隶属国家传媒集团,该集团由亲政府的企业组成的财团持有。但是该计划在2014年终止。”“这是一起专业犯罪”,阿琳娜·鲍罗丁娜强调:“在联邦政府频道上,俄国生活几乎在小屏幕上消失了,此后,形势不断恶化。”
一位经常担任国家宣传的创导人:阿列克谢·格罗莫夫,也出现在美国和欧洲制裁名单之上。第一频道前领导人,总统办公厅副主任,他在维系克林姆林宫和媒体之间的声誉很高。一位不愿透露身份的记者指出:“格罗莫夫是一个被魔鬼附身的人,在小事上他都要介入政治”。
“有一些直接的指令,特别是俄罗斯独立电视台或者第一频道,只要一个命令,备受人们欢迎的唐纳德·特朗普的封面一下子就减少了”,帕克霍孟克讥讽道:“但是,职员们,我不是指记者,知道自己该做什么。”
“记者”,他总结道:“是孤单的,周围充满了敌人。”有时候,还会有一些牺牲,例如安娜·波利特科维斯卡娅,2006年为NovaÏa-Gazeta报社现场报道了俄罗斯与车臣的战争之后被谋杀。他们中的很多,参与过20世纪90年代的解放,已经转行或者出国。因为受不了当地的气氛,加林娜·季姆琴科,俄罗斯新闻网站Lenta.ru前主编于2014年离开自己的国家来到拉脱维亚创立二选一网站。留下的那些人通常只能重新加入反对派。
由于经常投入人权的捍卫行动,他们成为了骚扰的对象。2月28日,莫斯科著名法语记者佐娅·思维托娃,现年57岁,她的住宅受到了11个小时持续地搜查。苏维埃异端分子的女儿,监狱的访客,经常撰稿揭露俄国的司法系统,她现在在开放俄国网站工作,该网站由逃到伦敦的反对派米哈伊尔·霍多尔科夫斯基创立。曾经的寡头,因贪污受到俄国司法部门起诉,过了十年的监狱生活,而他的集团loukos已经被彻底摧毁。正式说法是,对佐娅·思维托娃住宅的搜查正是和这起事件相关。
“我和我的主编有一份合约,不是和霍多尔科夫斯基,我交税,用自己的真实姓名签字,搜查后的第二天,这位记者吐露隐情,面露疲倦。可能是为了恐吓我。当你是普金所在俄国的记者,你必须得清楚有人在注视你,搜查已经成为标准,而且会有人用服务性的《生活新闻》电视频道的摄像机拍摄你。”
“官方”媒体完全否认政权的介入。但是没有任何一家主流电视频道提及2月26日位于莫斯科及其他城市的数千人的的游行,该游行是为了致敬于两年前2015年2月27日在克林姆林宫脚下被谋杀的鲍里斯·涅姆佐夫。《第一频道》在当晚的节目“宣传者”上,正如德米特里·基斯勒维有时候被指出的,对此事件一个字都没有提到。
伊莎贝尔·曼德罗
Les guerres informationnelles du Kremlin 4|5 Après avoir mis au pas les journalistes à l'intérieur de ses frontières, le pouvoir russe a lancé une offensive en direction de l'étranger, en créant de toutes pièces des médias relayant sa propagande à l'international
L'engouement, en Russie, pour Donald Trump s'est traduit par un curieux phénomène. Pour la première fois, au mois de janvier, le président des Etats-Unis a détrôné Vladimir Poutine dans la couverture des médias russes, avec 202 000 références contre 147 700, selon un relevé de l'agence Interfax. En -février, tout est rentré dans l'ordre. Une poignée de partisans du NOD (Mouvement de -libération populaire, pro-Poutine) a agité des pancartes Non au culte de Trump devant le siège de Rossia Segodnia, agence de communication proche du pouvoir, et le chef du Kremlin a repris sa première place dans le top 10 des personnalités les plus citées. En Russie, les médias constituent le meilleur -baromètre et l'instrument le plus efficace du pouvoir dans la guerre de l'information .
Leur mise au pas fut rapide. A peine Vladimir Poutine a-t-il pris les commandes du pays, en 2000, que le paysage de la presse et de l'audiovisuel a subi une véritable purge. Les uns après les autres, les oligarques qui avaient investi dans ce secteur, dans les -années 1990, ont dû se défaire de leurs actifs. Dès 2001, sous la contrainte, Vladimir -Goussinski a cédé son puissant groupe -Media-Most, propriétaire de plusieurs chaînes de télévision (dont NTV), de la radio Echo de Moscou et de nombreux magazines.
Une nuit d'avril 2001, l'affaire a été vite pliée quand les OMON, les troupes d'intervention d'élite du ministère de l'intérieur, ont investi les locaux de NTV pour installer, de force, la nouvelle direction et balayer les journalistes qui tentaient de résister. Sur -décision de justice, la holding du magnat, aujourd'hui exilé – il a la nationalité espagnole –, a été reprise par Gazprom-Media, -filiale du puissant groupe étatique d'hydrocarbures, qui ne détient pas moins de trente-huit chaînes de télévision, dix stations de radio, trois opérateurs Internet, un opérateur de diffusion satellitaire, quatre maisons d'édition, vingt-trois sites Internet et quatre régies de publicité.
En 2002, poursuivi pour fraude et évasion fiscale, le sulfureux Boris Berezovski a quitté la Russie pour le Royaume-Uni, où il est mort en 2013 d'un suicide apparent, laissant derrière lui les chaînes de télé ORT et TV6, ainsi que le groupe de presse Kommersant. -Depuis, ORT (rebaptisée Pierviy Kanal) est -devenue la voix du Kremlin sur tout le territoire. En 2013, ce fut au tour du milliardaire Vladimir Potanine de se débarrasser de son groupe Prof-Media, qui détenait de nombreux journaux, dont Izvestia, Komsomolskaïa Pravda ou Sovetsky Sport, au profit de Gazprom-Media. Petit à petit, l'espace des médias indépendants n'a cessé de se réduire. Aujourd'hui, ils ne sont plus qu'une poignée, comme la chaîne Dojd, le journal Novaïa -Gazeta ou le groupe RBK, à résister dans un environnement difficile.
Ces dix-sept dernières années, la méthode du Kremlin pour reprendre en main les médias, plus efficace que la censure, a été de jouer sur l'économie, en faisant pression sur la publicité et la distribution , témoigne le journaliste Sergueï Parkhomenko, qui anime une émission hebdomadaire sur Echo de Moscou.
On l'a senti dès le début de la reprise en main de Media-Most, poursuit-il. A l'époque, je dirigeais Itogui - un titre phare du groupe - , et les publicitaires ont fui pour éviter les problèmes avec le fisc, les douanes. C'est très -facile de leur faire comprendre où sont leurs intérêts. Idem en matière de distribution : en une journée, une dizaine d'opérateurs du -câble et du satellite ont refusé de diffuser Dojd, qui a perdu 80 % de son audience. La petite chaîne n'émet plus que sur Internet.
En janvier 2014, c'est une polémique sur le siège de Leningrad lors du 70e anniversaire de la libération de la ville, après qu'une journaliste eut posé la question Fallait-il laisser les Allemands la prendre pour sauver des vies ? , qui a suffi à sceller le sort de Djod. Un prétexte, pour beaucoup. Car cette année-là marque un nouveau tournant dans l'univers des médias russes, avec le conflit dans l'est de l'Ukraine et l'annexion de la Crimée. Pour la première fois, des -entreprises du secteur ou des journalistes font leur entrée sur les listes des sanctions occidentales. Gazprom-Media figure sur celle du Trésor américain ; Dmitri Kisselev, animateur vedette de Pierviy Kanal et dirigeant de Rossia Segodnia, est inscrit à la fois sur les listes américaine et européenne.
Relais du discours dominantEn septembre 2014, la Douma vote une loi pour réduire à 20 % la participation des étrangers dans les médias présents en -Russie, au motif, comme l'expliquait alors le député Vadim Denguine (droite nationaliste), qu'ils auraient accès à l'esprit des gens et à la formation de l'opinion publique .
Un mois plus tard, en octobre, Sputnik, dernier étage de la fusée de la propagande du Kremlin à usage extérieur, voit le jour. Créée en un temps record, cette plate-forme multimédia émet en plusieurs langues. Elle fait partie du groupe Rossia Segodnia, propriétaire de la chaîne par satellite RT (Russia -Today), elle-même déjà diffusée dans plusieurs points du globe comme le Royaume-Uni, les Etats-Unis, et bientôt la France.
Entièrement financé par le budget de l'Etat, le groupe, qui a vu le jour par un décret de Vladimir Poutine, le 9 décembre 2013, revendique la diffusion du point de vue de la -Russie contre la domination des médias -internationaux mainstream .
Né de la fusion de l'agence de presse Ria -Novosti et de la radio La Voix de la Russie, -financé à coups de milliards de roubles (7 milliards en 2015, selon les estimations, soit 113 millions d'euros), le projet a été entièrement conçu au Kremlin, notamment par Mikhaïl Lessine, ex-conseiller presse de Boris Eltsine, puis ministre de la communication de Vladimir Poutine, et l'une des chevilles ouvrières du démantèlement de Media-Most au profit de Gazprom-Media, qu'il a dirigé -entre 2013 et 2015. Parti soudainement vivre en Californie, Lessine décédera à 57 ans dans des circonstances troubles dans un hôtel de Washington, en novembre 2015. A l'annonce de sa mort, Vladimir Poutine saluera son énorme contribution à la création des -médias russes modernes .
Pilotée par Dmitri Kisselev, 62 ans, connu pour ses diatribes homophobes et outrancières – comme celle qui lui fit dire à l'antenne, en mars 2014, que la Russie était le seul pays capable de réduire les Etats-Unis en poussière radioactive –, l'entreprise a -acquis aujourd'hui une notoriété particulière, éclipsant les agences historiques et plus neutres telles que Tass ou Interfax. -Considérant qu' avec l'annexion de la -Crimée et la guerre hybride menée par la -Russie dans le Donbass - est de l'Ukraine - , le Kremlin a intensifié sa propagande , le Parlement européen a adopté à l'unanimité, le 23 novembre 2016, une résolution pour -dénoncer le rôle joué par ces instruments qui bénéficient de ressources financières considérables engagées par l'Etat - russe - .
En janvier 2017, le nom de Margarita -Simonian, 36 ans, rédactrice en chef de RT (250 millions de dollars de budget en 2016), sera cité pas moins de vingt-six fois dans la partie déclassifiée du rapport du renseignement américain sur l'ingérence russe dans la campagne présidentielle américaine. La -machine de propagande de l'Etat russe, -composée de RT et Sputnik, a contribué à influencer la campagne en servant de plate-forme de messagerie au Kremlin , affirme le document.
A l'unisson des principales chaînes de télévision russes, RT et Sputnik multiplient les comptes rendus au vitriol sur l'Ukraine, quitte à inventer, comme ce fut le cas sur Pierviy Kanal, l'histoire d'un enfant de 3 ans crucifié, ou diffusent à satiété des repor-tages agressifs, parfois tronqués, sur l'ac-tualité en Occident, en insistant tout particulièrement sur la crise des migrants en -Europe ou sur les manifestations sociales. L'administration Obama y a fait l'objet d'un pilonnage quasi systématique.
Le journaliste est seul Ces médias, qui agissent comme de puissants relais du discours dominant en Russie, cherchent aussi à s'attirer les bonnes grâces de personnalités étrangères, moyennant, le plus souvent, de généreuses contreparties, ou des donations dans le cadre d'événements. En décembre 2015, Michael Flynn, -ancien directeur du renseignement militaire américain, était présent, au côté de -Vladimir -Poutine, lors d'un dîner d'anniversaire de RT. Selon The New Yorker, qui lui a consacré un long -article le 27 février, le général Flynn aurait perçu 40 000 dollars. Entre-temps, M. Flynn, fervent supporteur de -Donald Trump pendant la campagne électorale -américaine, a pris la tête du Conseil de sécurité -nationale du président américain, avant d'être contraint à la démission moins d'un mois plus tard à cause de ses contacts avec l'ambassadeur russe en poste à Washington. A Moscou, une cérémonie de l'Union des Français de l'étranger, dirigée par le chef de la section russe du parti Les Républicains, a été parrainée par -Sputnik.
Pouvoir et médias ont toujours été liés en Russie, même du temps de Boris Eltsine, mais, depuis l'Ukraine, l'évolution est terrifiante , affirme Arina Borodina. Pour cette jour-naliste spécialisée dans les médias, qui a -enseigné comme maître de conférences à la faculté de journalisme de Moscou, la -télévision a été à l'avant-garde de la guerre .
Avant ces événements, ajoute-t-elle, on pouvait encore avoir un point de vue alternatif, pas vraiment d'opposition, avec l'émission “La Semaine”,animée par Marianna Maximovskaïa sur Ren-TV - propriété de National -Media Group, détenu par un consortium d'entreprises proches du pouvoir - . Mais ce programme a pris fin en 2014. C'est un crime professionnel qui a été commis, souligne encore Arina Borodina. Sur les chaînes fédérales, la vie en Russie a quasi disparu du petit écran et, -depuis, la situation ne cesse d'empirer.
Un homme est souvent désigné comme l'artisan de la propagande d'Etat : Alexeï -Gromov, inscrit lui aussi sur la liste des -sanctions américaines et européennes. Ex-dirigeant de la première chaîne, directeur adjoint de l'administration présidentielle, il a la réputation de faire le lien entre le Kremlin et les médias. Gromov est démoniaque, il introduit la politique même dans les petites histoires , témoigne une journaliste sous le couvert de l'anonymat.
Il y a des directives directes, surtout avec les chaînes comme NTV ou Pierviy Kanal, il suffit ainsi d'une “ordonnance” pour que la couverture surDonald Trump, à qui on portait un amour extraordinaire, diminue d'un seul coup, ironise M. Parkhomenko. Mais, en -général, les employés – je ne dis pas journalistes – savent eux-mêmes ce qu'ils doivent faire.
Le journaliste, lui, conclut-il, est seul, -entouré d'ennemis. Parfois, certains l'ont payé de leur vie, comme Anna Politkovskaïa, assassinée en 2006, après avoir couvert les guerres russo-tchétchènes pour Novaïa -Gazeta. Bon nombre d'entre eux, qui ont participé à l'émancipation des années 1990, ont quitté la profession ou sont partis à l'étranger. Ne pouvant plus supporter l'atmosphère locale, Galina Timchenko, ex-rédactrice en chef du site d'information Lenta.ru, a quitté le pays en 2014 pour fonder, en Lettonie, le site alternatif Meduza. Ceux qui sont restés n'ont souvent pas eu d'autre choix que de -rejoindre l'opposition.
Souvent engagés dans la défense des droits de l'homme, ils sont l'objet de harcèlement. Le 28 février, le domicile de Zoïa Svetova, 57 ans, journaliste francophone bien connue à Moscou, a été perquisitionné onze heures d'affilée. Fille de dissidents soviétiques, visiteuse de prison ayant souvent écrit pour -dénoncer le système judiciaire russe, elle travaille aujourd'hui pour le site Russie ouverte, créé par l'opposant Mikhaïl Khodorkovski, réfugié à Londres. L'ancien oligarque, poursuivi par la justice russe pour malversations financières, a purgé une peine de dix ans de colonie pénitentiaire alors que, dans le même temps, son groupe, Ioukos, était entièrement démantelé. Officiellement, la -perquisition chez Zoïa Svetova a eu lieu dans le -cadre de cette affaire.
J'ai un contrat avec mon rédacteur en chef, pas avec Khodorkovski, je paie mes impôts et je signe de mon vrai nom, confiait, le lendemain de cette perquisition, la journaliste, les traits tirés par la fatigue. Sans doute était-ce pour m'intimider. Quand tu es journaliste dans la Russie de Poutine, tu dois savoir qu'on t'écoute, que les perquisitions sont devenues la norme et qu'on te filme avec les caméras de Life News - chaîne de télévision proche des services - .
Les médias officiels nient toute interférence du pouvoir. Mais aucune des grandes chaînes de télévision n'a évoqué la marche qui a réuni plusieurs milliers de personnes, le 26 février, à Moscou et dans d'autres -villes, en hommage à l'opposant Boris -Nemtsov, -assassiné deux ans auparavant, le -27 février 2015, au pied du Kremlin. Dans son émission diffusée le soir mêmesur Pierviy Kanal, le chef propagandiste , comme Dmitri Kisselev a parfois été désigné, n'en a pas dit un mot.
Isabelle Mandraud