Xavier Bonnier原稿+译稿

发布者:郭一帆发布时间:2023-04-05浏览次数:82

  

2018 Sino French Literature Seminar

Communication au séminaire de littérature franco-chinois de Shaoxing

Xavier Bonnier, Littérature française du XVIe siècle

 

Le Poète, l’évêque et le sanglier. L’art de Ronsard dans l’épître à Charles de Pisseleu.

 

Ma chère collègue Michèle Guéret-Laferté ayant parlé du romancier le plus célèbre du Moyen Âge français, Chrétien de Troyes, je vais rester dans sa logique, en évoquant l’empreinte qu’a durablement laissée Ronsard, car c’est le poète le plus célèbre de la Renaissance française. Tout le monde peut citer « Mignonne, allons voir si la rose », la fameuse odelette, ou « Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle… », à l’autre extrémité de sa carrière, et jamais un manuel scolaire de littérature française, si mince soit-il, n’oserait faire l’impasse sur son oeuvre.

Contrairement à d’autres écrivains ou artistes, il n’a pas dû attendre la postérité pour être reconnu : si Claude Monet est mort dans l’indigence, ou si Proust a dû se publier à compte d’auteur, le poète vendômois, lui, a été reconnu de son vivant comme l’un des meilleurs, voire le meilleur du royaume ; son magistère à la tête de la Pléiade n’a jamais été remis en cause, et l’affaire sera entendue vers la fin du siècle, lorsqu’un historien de renom comme Étienne Pasquier écrira que Ronsard « a en notre langue représenté un Homère, Pindare, Théocrite, Virgile, Catulle, Horace, Pétrarque et par mesme moyen diversifié son style en autant de manières qu’il lui a plu, ores d’un ton haut, ores moyen, ores bas. » Tout est important dans les motifs de cet hommage : la capacité à donner de l’épique, du grand chant lyrique et civique, de la poésie pastorale, des pièces satiriques et érotiques, et bien sûr de la poésie amoureuse. Seule est escamotée la poésie militante au service du catholicisme pendant les guerres de religion, soit pour des raisons « diplomatiques » (ne pas rebuter le lectorat protestant par exemple), soit parce que cette veine peu convaincante et fort passagère n’a pas paru digne du reste.

Cette postérité louangeuse n’est cependant pas sans anicroche ni baisse de régime : les XVIIe et XVIIIe siècles, siècles de grammairiens et de logiciens, se défient d’un auteur qui multiplie les références érudites et les tournures périphrastiques, qui manie une langue très inventive et fantaisiste, et qui ne sera pas parvenu à achever la grande œuvre épique dont tout le monde rêvait.

Ronsard, c’est – à l’exception certes notable du vers de théâtre, et de ce qui fut longtemps appelé le « poème dramatique » – l’essai décomplexé de la totalité des genres poétiques, dont certains ont été par lui réveillés d’une somnolence pluriséculaire, comme les odes, et surtout les hymnes. En notoriété internationale et depuis longtemps, il est le « Prince des poètes », devant même Marot, qui le fut en son temps, Du Bellay ou d’Aubigné.

C’est aussi le plus abondant, ou du moins l’un des plus abondants. Son œuvre est considérable en étendue, comme en témoignent les vingt volumes de l’édition Laumonier, œuvre d’une vie pour l’éditeur, terminée après sa mort par R. Lebègue et I. Silver. Sa  carrière est remarquable en durée, comme en quantité et en diversité.

Si c’est lui qui s’impose en premier à l’esprit lorsqu’il faut faire un choix pour une petite présentation sur la poésie française de la Renaissance, c’est aussi parce que, contrairement à beaucoup de ses contemporains, il ne s’est pas tenu à l’écart des polémiques de son temps – et elles étaient particulièrement vives – sous prétexte de n’y rien comprendre, ou de se consacrer tout entier aux Muses. Scève, par exemple, ne s’est pas engagé, que ce soit côté catholique ou côté réformé ; Du Bellay, Magny, Peletier, Jamyn, se sont prudemment abstenus. Il est vrai que Marot, quelque temps auparavant, avait donné l’exemple d’un poète imprudent au service des évangéliques, en le payant au prix fort (deux exils, plusieurs emprisonnements, une protection très variable, et en somme une existence tout de même peu sereine).

Toutes ces considérations concourent à faire de mon propos une triple gageure : tout d’abord évoquer en si peu de temps une œuvre aussi riche et complexe ; ensuite éviter d’enfoncer des portes ouvertes, car si Ronsard est illustre en France, il l’est également en Chine et dans bien d’autres pays, à telle enseigne que, si je n’avais fait le voyage de Shaoxing que pour vous dire que Ronsard est un grand poète, j’aurais tout aussi bien pu rester chez moi, par exemple à relire Lu Xun ; enfin, vous épargner un développement technique érudit sur un point aussi obscur que précis de son œuvre, ce qui certes plairait aux auditoires spécialisés, mais ne conviendrait guère en cette réunion plurielle et pluriséculaire.

Ne me reste donc, pour me lancer, que l’âpre formule de Kierkegaard suivant laquelle « ce n’est pas le chemin qui est difficile, c’est le difficile qui est le chemin ».

Et c’est pourquoi, sans rappeler sa carrière, que j’ai résumée dans un document joint avec le texte de référence, je m’attacherai à souligner ce qu’il peut y avoir à mes yeux de plus caractéristique chez ce poète, et qui n’est pas toujours assez remarqué : le goût de la littérature en tant que telle, pour elle-même, un goût qui ne va d’ailleurs pas sans un certain humour dans le rapport au destinataire.

Pour illustrer ce qu’est vraiment le métier de Ronsard, dans son sens à la fois le plus noble et le plus concret, je voudrais examiner avec vous un texte en quelque sorte « moyen », c’est-à-dire ni connu par le très grand public, ni tout à fait secondaire et oublié au fond d’un tiroir. Ce sera l’Epistre à Charles de Pisseleu, evesque de Condom, publiée dans le premier livre des Hymnes de 1555.

 

*

 

Le contexte est assez simple : Charles de Pisseleu est le frère d’une favorite du roi François Ier, Anne de Pisseleu, faite Desse d’Étampes et de Chevreuse en 1546 ; il est également abbé de Bourgueil depuis 1541, évêque de Mende puis de Condom, et Ronsard lui a déjà dédié plusieurs odes de 1550. Il a joué un rôle non négligeable dans sa vocation car, lorsque Ronsard lui a lu ses premiers essais poétiques à la fin des années 40, il lui a reproché de ne pas viser plus haut.  

C’est à première vue une œuvre de circonstance, plus précisément un vœu de guérison, le destinataire étant malade, qui ne saurait avoir le statut des grandes pièces philosophiques comme les hymnes encomiastiques (Hymne de l’Or, de la Justice, de l’Éternité…) ou épiniciennes (Calaïs et Zétès, Pollux et Castor…). D’ailleurs, la pièce a été retranchée de l’édition de 1584. Et elle est parmi les plus courtes (Pollux et Castor fait 784 vers…). Venant juste après l’Hercule chrestien, dédié à Odet de Châtillon, personnage beaucoup plus important pour Ronsard, et avant quelques autres pièces secondaires (Épitaphe de Loyse de Mailly, Épitaphe d’Artuse de Vernon), la pièce permet en quelque sorte au premier livre du recueil de se refermer en douceur, avec un retour à l’actualité de personnages bien réels.

Et pourtant, non seulement elle n’est pas supprimée dans les éditions intermédiaires (1560, 1573, 1578, alors même que le personnage est mort en 1564), mais elle fait l’objet, au même titre que les autres, de rectifications, d’amendements et de repentirs (guillemets, orthographe, interversion de syntagmes). Ce qui signifie qu’elle a toute sa place et toute son importance aux yeux de l’auteur dans un recueil auquel elle n’est pas à première vue indispensable.

Par ailleurs, le plan général de la pièce montre que Ronsard entend ici aussi bien montrer son érudition humaniste que sa sollicitude amicale et courtisane :

 

I. 1-38 : Prosopopée inspirée de Plutarque sur la nécessité pour l’Homme d’accepter les moments d’infortune et de souffrance.

II. Transition, v. 39-42 : Charles vérifie courageusement ce principe par sa fermeté d’âme.

III. 43-50. Rappel de l’accident de chasse au sanglier, glorieux et méritoire.

IV. 51-54. Second argument consolateur ou encourageant : les prédécesseurs illustres dans l’affrontement sanglant d’un sanglier.

V. 55-84 Développement de ce rapprochement avec le résumé des anecdotes mythologiques :

- 55-66 : Idmon, argonaute (source : Apollonios, I, 139 sq., II, 815 sq).

- 67-74 : Ancée, beau-frère d’Œnée, roi d’Étolie (Calydon) (source : Ovide, Métamorphoses, VIII, 273 sq).

- 75-84 : Ulysse et sa cicatrice devant la nourrice (source : Odyssée, XIX, 386 sq).

VI. Exhortation finale au courage appuyé par Dieu et ces héros.

 

Ronsard a donc « ressorti ses fiches », et, en bon disciple de Dorat, mobilisé tout ce qu’il avait de disponible concernant les blessures de sangliers redoutables, faisant ainsi étalage de son savoir. « Tout ce qu’il avait » ? Pas tout à fait, car il a fait une sélection, ce qui veut dire qu’il n’a pas retenu l’ensemble des exempla et qu’il a éliminé certaines références, car par exemple, il ne cite ni le sanglier d’Érymanthe (3e travail d’Hercule), ni le sanglier qui a tué Adonis. Si l’impasse sur le premier cas se comprend aisément (Hercule n’a pas été blessé par le sanglier, qu’il a d’ailleurs vaincu par ruse, et le rapprochement ne serait donc pas pertinent), il faut un peu plus réfléchir pour expliquer la seconde ; peut-être le personnage d’Adonis, dont la surprenante beauté enfantine émeut Aphrodite elle-même, est-il trop fragile et victimaire ; par ailleurs, il est né de la relation sexuelle incestueuse d’un père (Théias / Cinyras) avec sa fille (Myrrha), relation elle-même due à une obscure vengeance d’Aphrodite. Adonis parvient à blesser le sanglier d’un coup d’épieu, mais en est tué en retour dans la fleur de sa jeunesse. Le rapprochement avec un digne prélat n’était peut-être pas aussi opportun que celui qu’établit le poète avec les trois héros précités. Cependant, s’il s’agissait de convoquer des figures de sangliers redoutables, sans s’appesantir sur la personnalité de leurs opposants, il avait là, avec la geste héracléenne et la fable d’Adonis, les points d’appui les plus célèbres, et de loin.

Mais un deuxième sujet d’étonnement surgit ici : pourquoi ces références païennes, et pourquoi uniquement des références païennes ? On sait certes que la remise en honneur du patrimoine mythologique gréco-latin a été l’une des caractéristiques de la Renaissance, en Italie d’abord puis en France et dans le reste de l’Europe ; on sait aussi que l’exercice effectif, et souvent sourcilleux, de la censure ecclésiastique, n’allait pas jusqu’à interdire les références aux mythes antiques dans la littérature même sérieuse, pour autant du moins qu’elles n’étaient pas mises en concurrence avec le message chrétien sur un plan strictement théologique – ce qui, à l’époque, était impensable en langue vernaculaire ; et il est assez connu que pléthore d’éminentes et graves personnalités religieuses trouvaient de l’agrément dans la lecture, et parfois l’édition, le commentaire, l’imitation ou la réécriture en vulgaire de tel ou tel élément de ce vaste réservoir d’histoires, parfois pour le récupérer et l’orienter en suivant l’exemple des « Ovides moralisés » et autres allégorèses édifiantes, comme ce fut la vogue au XIVe siècle, et parfois simplement pour s’en délecter comme de fables innocentes qu’il eût été fou, ou contre-productif car au fond très maladroit, de refouler comme si elles représentaient un danger pour l’exemple du Christ et la diffusion de l’orthodoxie monothéiste. Le pape Pie II, qui était au civil Enea Silvio Piccolomini, a écrit une comédie assez leste, Chrysis, et le Cal Bembo, fin connaisseur de l’Antiquité classique, a tressé de subtils dialogues sur l’amour dans ses Azolains. Et comme énormément de lettrés de l’époque, Rabelais et Ronsard, férus de mythologie, avaient reçu les ordres mineurs et s’étaient condamnés au célibat.

Et pourtant, il s’agit ici d’aider un membre du haut clergé catholique, et non quelque bourgeois fortuné mal pensant, à endurer la maladie et l’invalidité ;

Et pourtant, le Dieu des chrétiens n’est pas oublié dans l’amorce du poème (« Si Dieu nous avoit faictz exens de tout malheur, Comme Anges… », v. 9-10) ni dans la clôture (Courage donq (prelat) & metz premierement / Ton esperance en Dieu, & le prie humblement, / (Car c’est le Dieu benin… », v. 86-87) : le singulier du substantif, la mention des anges, inconnus de la mythologie païenne, le rappel en apostrophe de la fonction officielle de Pisseleu, interdisent l’idée d’un flottement complaisant entre monothéisme et polythéisme, ce qui se rencontre parfois ;

Et pourtant, la longue et ambitieuse pièce précédente, L’Hercule chrestien, montrait à la fois la concurrence potentielle entre les deux religiosités, et, fort dialectiquement, le moyen concret de résorber l’une sous la suprématie historique et sémiologique de l’autre ;

Et pourtant enfin, les saintes Écritures sont remplies d’exemples de constance et de réussite de la foi et de l’espérance en Dieu au cœur des calamités de toutes sortes, publiques ou privées – que l’on songe à Job, qui au maximum de son affliction ne va pas jusqu’à maudire Dieu mais seulement le jour de sa naissance ; que l’on songe aussi aux innombrables prophètes, saints, apôtres et martyrs, de l’Ancien ou du Nouveau Testament, qui acceptent avec joie les épreuves permises sinon envoyées par Dieu, depuis les frères Maccabées, suppliciés avec leur mère et le grand prêtre Éléazar, jusqu’aux personnages de la Légende dorée de Voragine, en passant par les héros de la persécution romaine.

En conséquence, tout se passe comme si le primat de la foi chrétienne, et de la sagesse exigeante qui en est issue, s’évanouissait provisoirement, le temps de narrer trois jolis épisodes de l’Antiquité païenne ; comme si le sérieux du surplomb divin laissait s’ouvrir une brèche dans les nuages de l’imaginaire habituel pour laisser se dessiner à nouveau dans les airs, presque oubliés mais lumineux, les vestiges distrayants et revigorants de la fable grecque et latine. Et même, en poussant l’hypothèse légèrement plus loin, comme si Ronsard se permettait une sorte de récréation et de « joyeux devis » pour égayer son destinataire.

Et de fait, entre re-création, puisqu’il narre à nouveau ce qu’ont raconté Apollodore, Ovide et Homère, et récréation, car les trois récits libèrent immédiatement le lecteur d’une atmosphère d’effort, de peine et de travail, Ronsard ménage une escapade de trente vers au pays le plus lointain. Le choix des épisodes, et la manière même dont il lance le récit du premier, montrent que le poète joue la carte de l’exotisme, de l’étrangeté : non seulement Idmon est un personnage extrêmement secondaire et passager, voire furtif dans la geste des Argonautes (il est mentionné au chant I au milieu de l’interminable liste des compagnons de Jason), mais la périphrase alambiquée qui le désigne a de quoi faire réfléchir son lecteur, car elle frôle l’énigme ou la devinette : « L’Abantiade », premier mot du vers, est un adjectif à peu près incompréhensible pour qui n’avait pas le nez plongé dans les Argonautiques la veille au soir : cela veut dire qu’il descend d’Abas, roi d’Argos, lui-même peu illustre, et le texte d’Apollodore tient cette filiation pour controuvée, car en réalité il serait fils d’Apollon – mais là c’est l’auteur grec qui triche un peu, car la formule signifie qu’il a dû recevoir d’un dieu son don de divination. Surtout, « Abantiade » n’est pas proche d’« Abantos » au point de fournir immédiatement l’identité, et c’est sans doute pourquoi Ronsard la donne dans la foulée.

 

Ἴδμων δ' ὑστάτιος μετεκίαθεν, ὅσσοι ἔναιον
Ἄργος, ἐπεὶ δεδαὼς τὸν ἑὸν μόρον οἰωνοῖσιν        140
ἤιε, μή οἱ δῆμος ἐυκλείης ἀγάσαιτο.
Οὐ μὲν ὅγ' ἦεν Ἄβαντος ἐτήτυμον, ἀλλά μιν αὐτὸς
γείνατο κυδαλίμοις ἐναρίθμιον Αἰολίδῃσιν
Λητοΐδης· αὐτὸς δὲ θεοπροπίας ἐδίδαξεν
οἰωνούς τ' ἀλέγειν ἠδ' ἔμπυρα σήματ' ἰδέσθαι.      145

 

Même Jason n’est pas cité directement, mais par son ascendance (« Esonide »).

La mention d’Ancée, qui fait suite, est à peine plus facile pour le lecteur : lui non plus n’est pas un personnage de premier plan, et ce n’est pas la désignation de l’animal qui peut clarifier les choses, car elle est fort lente à venir, et même gravement fautive sur un toponyme décisif dans les premières éditions, car Ronsard parle de « la poudre » (la poussière, la terre poudreuse) de « Calybde » en 1555 et 1567, puis de « Calybe » en 1571 : évidemment chacun songe à Charybde, le tourbillon redoutable qui attend les navigateurs dans le détroit de Sicile, auquel succède, s’ils en réchappent, le monstre Scylla dans sa grotte à flanc de falaise. Mais il n’est nullement question d’un sanglier aux abords de Charybde ! Et il faut attendre la mention du « grand pourceau sacré » de « Diane », au v. 70, pour commencer à avoir une idée du personnage, et rectifier « Calyde », donc Calydon ; encore n’est-on définitivement rassuré qu’avec le nom d’Œnée, et son imprudent oubli du sacrifice à la déesse des forêts et des bêtes sauvages, au v. 71.

Seul Ulysse est cité en son nom propre et immédiatement, comme troisième exemplum de héros blessé par un sanglier.

Mais, pour lui comme pour les deux personnages précédents, Ronsard montre également sa capacité à faire durer le plaisir, à pratiquer l’amplificatio, vieil exercice rhétorique dont le versant récréatif n’a pas été assez souligné : l’auteur entend rendre justice à l’importance réelle d’un objet ou d’une personne, voire d’un événement, en réalisant par une accumulation d’arguments et de faits l’idéal rhétorique selon Isocrate, qui est de « rendre grand ce qui est petit et petit ce qui est grand » ; sans se confondre avec elle, elle a partie liée à la fameuse copia, dont tous les auteurs semblent vouloir faire preuve à la Renaissance : quand il évoque Idmon, Ancée puis Ulysse, Ronsard se complaît à caractériser les personnages et à accumuler les circonstances et les caractéristiques, sans nécessité réelle : plus précisément, il pratique la métabole, c’est-à-dire la reformulation de la même idée en des termes différents, pour insister sur telle ou telle qualité : la formule « grand Augure et Prophete » suffit à qualifier Idmon, mais le poète ajoute, en apposition,

 

Du sainct vouloir des Dieux aux hommes l’interprete,

Qui lisoit le futur es cœurs des animaux,

Qui entendoit la langue, & le vol des oiseaux, 

 

Ce qui est une explicitation tout à fait superfétatoire de sa double fonction.

Pour Ancée, Ronsard varie les plaisirs, et au lieu de broder sur les qualités supposées du compagnon de Méléagre, ou sur les détails de l’affrontement avec la bête qui lui a été fatal – il y avait un potentiel intéressant dans le fait qu’il se flatte devant les autres de leur montrer qu’il surpasse les femmes par son courage, ou encore que le sanglier le frappe avant qu’il ait pu abattre sa hache –, il remonte vers l’amont et la cause du drame, dans une concaténation de propositions relatives à valeur explicative, car il s’agit du sanglier, précise-t-il…,

 

Qu’elle avoit envoyé depitte contre Œnée,

Lequel ayant cueilli tous les fruictz de l’année

Avoit payé la disme à tous les Immortelz,

Ayant mis à mespris Diane & ses autelz.

 

Même tendance à l’allongement du propos, à la démonstration d’abondance, lorsqu’il s’agit d’Ulysse, dont les ruses sont la principale caractéristique : une rafale de relatives brode sur le thème du héros « polymètis » :

 

Ulisse qui passa les hommes en faconde,

Qui fut le plus accort, & le plus fin du monde,

Qui de nuict deroba le sainct Palladion,

Et deguisé, congneut tous les fortz d’Ilion,

 

Voilà qui assurément est un digne rappel des qualités du héros, mais sans grand rapport avec la blessure reçue du sanglier… Ronsard aurait pu continuer encore longtemps, en rappelant par exemple la victoire sur Polyphème, ou son séjour chez Calypso, ou encore l’épisode de Circé… Tout comme il aurait pu, à l’inverse, s’abstenir d’allonger le propos, et se contenter de rappeler son intelligence pratique. Comme la suite du passage est tout aussi détaillée sur l’après de la blessure que le début a été détaillé sur l’avant (les v. 80-84 peignent la scène de la reconnaissance par la nourrice de la cicatrice, et pas du tout la scène de chasse chez son grand-père), il semblerait que l’accident cynégétique importe finalement peu, ou ne soit qu’un prétexte pour enfiler les alexandrins décoratifs mettant un personnage en valeur pour faire plaisir au destinataire.

Tout cela est-il bien sérieux ? Il est évident que Ronsard s’amuse, mais de façon savante, dans l’esprit de ce que l’immense Jorge Luis Borges disait de son propre métier d’écrivain : « j’écris avec le sérieux d’un enfant qui s’amuse ». Mais un pas, pourtant, reste à faire pour bien comprendre l’esprit de cette composition, qui à ce stade paraît simplement hybride, mixte, composite, avec d’un côté un début et une fin chrétiens, de l’autre un développement païen, autrement dit, plus confuse et déséquilibrée qu’harmonieuse. La transition entre les deux, car transition il y a, aussi capitale que discrète, nous renseigne sur le statut exact de l’arsenal mythographique sous la plume de Ronsard, et plus généralement des poètes de la Renaissance française : parmi les motifs qui doivent soutenir le moral de Pisseleu et l’aider à guérir de cette blessure mal soignée, il n’y a pas que l’exercice spirituel de la résignation, qui occupe les v. 1-42 (en bon chrétien, l’évêque doit accepter l’alternance de la pluie et du beau temps, du bonheur et des calamités, c’est un lieu commun de toute consolatio) ; il y a deux autres arguments : le premier, c’est, du v. 43 au v. 50, le souvenir de la noblesse insigne de sa blessure : le sanglier, rappelle Ronsard dans ce passage explicitement additionnel (voir le « Aussi » initial) « portait la foudre et la tempête » dans ses dents, aurait même fait peur à Hercule, c’était un « brave sanglier », et non un « dain » ou un « chevreuil » qui fuient. Or c’est là un soulignement du mérite personnel qui n’est pas du tout adossé à la foi en Dieu, mais qui actualise simplement le vieux topos d’un courage proportionnel au danger de l’affrontement. Rien de chrétien là-dedans, et même cet éloge de la valeur indexée sur celle de l’adversaire a quelque chose de pré-chrétien, voire d’anti-chrétien, car il dénote et présuppose le goût de la guerre, de la violence : les chrétiens refusaient les jeux du cirque, les combats sanglants cruels, l’étalage gratuit du courage viril. À bien des égards, comme l’ont souligné nombre d’auteurs, de Celse à Nietzsche, c’est une religion « féminine », qui glorifie les pauvres, les malades, les faibles, les femmes, les petits enfants, les infirmes, et magnifie la compassion. Si l’on peut être grand seigneur et bon chrétien tout en allant à la chasse, c’est parce que le clergé respecte les us et coutumes récréatifs, surtout d’une aristocratie dont la vénerie est l’apanage et qu’il vaut mieux ne pas se mettre à dos, mais sans les encourager non plus : il ne faut surtout pas en faire un idéal. Or voici précisément revenir l’idéal antique de bravoure devant le danger animal, dont fourmillent les exemples dans le mythe antique, avec Hippolyte, Céphale, Actéon, etc. Ce qui fait que ce nouvel argument pour endurer sa mauvaise santé vient presque contredire, par la posture existentielle adoptée, le premier : ce n’est plus la résignation, qui suppose une humiliation, mais la fierté de soi qui doit l’emporter : Pisseleu peut s’enorgueillir d’avoir eu « la cuisse outrepersée » par un adversaire terrifiant, car d’autres auraient frileusement évité cette chasse.

Le second argument est de la même veine : faisant écho au « Aussi » du précédent pour signaler un motif supplémentaire, le « Puis quand tu vois aussi » un peu lourd du v. 51 lance en effet une valorisation très comparable, car indirecte, où joue cette fois comme catalyseur de consolation non pas la valeur de l’animal affronté mais celle des illustres prédécesseurs mythiques ayant subi la même mésaventure ; et ce qui est décisif dans cette introduction aux micro-récits précédemment étudiés d’Idmon, d’Ancée et d’Ulysse, c’est le terme de « Herôs », et même de « Herôs si vaillantz », au cas où il y aurait ambiguïté sur le seul substantif, car avec ce voisinage de qualités, c’est l’univers de l’épopée qui confirme sa préséance référentielle, lui qui n’était qu’esquissé en horizon quasi parémiologique avec Hercule et les « bois Marsians », bref, en hyperboles faites comme en passant : Charles de Pisseleu peut désormais se prévaloir d’appartenir à une lignée de vrais courageux, de braves de légende, et mérite d’être mis à leur niveau, d’où le terme, tout aussi décisif, de « compaignons » au v. 54. Le mot fait référence à une aventure vécue en commun et abolit aussi bien les hiérarchies sociales que la chronologie et le temps de l’Histoire : le « compagnon » est celui avec qui l’on partage le pain, avec qui l’on dîne, l’on souffre et l’on plaisante, celui avec qui l’on fait route en quête d’un trésor ou d’aventure : on parle des « compagnons » d’Ulysse, de Jason, non pas de leurs « amis » ni de leurs « sujets », encore moins de leurs « disciples », même s’il y a un chef. C’est si important que Ronsard emploie à nouveau le substantif à l’autre extrémité non pas seulement de la série des trois récits épiques, mais du poème dans son entier, c’est-à-dire même après avoir fait rentrer à deux reprises « Dieu » en jeu dans son discours de clôture. De manière malicieuse et presque irrévérencieuse, Ronsard exhorte en effet d’abord l’évêque à cultiver la vertu théologale de l’« esperance en Dieu », mais croit nécessaire d’ajouter – et pour conclure ! – qu’il doit soulager sa fortune et a de quoi avoir espoir, « Ayant pour compagnons de si grands personnages ».

C’est évidemment comme si les frontières s’abolissaient entre le présent et le passé, le réel et l’imaginaire, mais surtout, semble-t-il, entre la verticalité de la relation avec Dieu et l’horizontalité de la communauté humaine (Norbert Elias a suffisamment rappelé l’importance de cette bascule à l’orée de la première modernité). Si Ronsard termine sur une référence collective profane quasi provocatrice, car apparemment contradictoire avec l’espérance chrétienne – qui, faut-il le rappeler ?, dispense de tout autre remède –, c’est parce qu’il sait que pour Charles de Pisseleu, comme pour la plupart de ses destinataires lettrés, qui ont goûté à la fable antique au moins avec Ovide, Virgile et Homère, cet univers du mythe grec et latin est un milieu rassurant, familier, presque aussi concret que l’entourage social réel du quotidien. Il sauve de la barbarie, du manque de sens, et, proposant une magnifique concurrence à l’Histoire du monde comme il va, il fournit à foison modèles et contre-modèles d’une savoureuse complexité, car personne, dans le mythe antique, n’est ni tout à fait bon ni tout à fait méchant, chacun du moins a ses excuses et ses vertus, ses fulgurances admirables comme sa part d’ombre. Les Enfers sont un lieu faussement fermé et faussement définitif,  en fait on y entre et on en sort comme d’un moulin, les dieux eux-mêmes se font berner par des mortels, les héros ne meurent jamais tout à fait et les monstres ne sont pas toujours inexorables, on peut naître d’un crâne ou d’une cuisse, avoir dix têtes, des chevelures de serpent, mourir du piège que l’on a tendu à l’autre… Ces personnages sont des points d’appui de la vie mentale tellement forts et proches qu’ils n’en sont plus vraiment imaginaires, car ils sont environnés de multiples détails, de circonstances anecdotiques touchantes, de realia pour la plupart encore valables dans cette société agraire et littéraire de l’Ancien Régime où l’on vénère les chefs de guerre et les orateurs, où l’on chasse, où l’on fait des offrandes, où les forêts sont encore un peu enchantées, et où des domestiques lavent les pieds de leurs maîtres. C’est tout l’intérêt de la légende, dans sa retorse amphibologie : c’est à la fois ce qui n’est pas vrai, ou pas vraiment vrai, parce que c’est improbable et prodigieux, donc ce qu’on n’est pas obligé de croire, et ce qu’il faut lire avant de s’endormir – non pas quand même, mais parce que… C’est que le détour de la fiction fournit une structure rassurante qui garde son efficace même si l’on met Dieu entre parenthèses – le temps d’un détour dans la silve païenne. L’esprit de son usage, c’est un peu comme si, une fois acquitté le tribut au Dieu des chrétiens dont ne pouvait faire l’économie un vœu de rétablissement adressé à un membre du haut clergé, Ronsard ouvrait tout à coup sous les yeux émerveillés du vieil évêque, qui a alors soixante ans, et c’est âgé vers 1550, un coffre à jouets resté longtemps fermé dans le grenier, et en faisait sortir l’une après l’autre de vieilles figurines poussiéreuses un peu oubliées, Idmon, Ancée, l’Esonide, pour finir sur le grand Ulysse.

Tout cela est-il bien sérieux ? Oui, décidément, la question pourrait se poser, tant la stratégie de Ronsard paraît ludique et malicieuse, faisant passer pour accessoire ce qui est sans doute l’essentiel et inversement : le « premierement » va à Dieu au v. 85, car la transcendance doit primer, et les compagnons n’ont droit de cité qu’après un « au reste » bien négligeant au v. 89, relégué en second hémistiche,  – mais ce sont bien eux qui ont le dernier mot, qui laisseront la plus sûre empreinte malgré, ou à cause de, leur immanence. Est-ce à dire que Ronsard, Pisseleu et autres beaux esprits de la Renaissance croyaient réellement à ces héros du mythe, à ces monstres farouches, à ces contes à dormir debout, au point de ne pouvoir s’en passer ?

On ne peut ici que se remémorer, et ce sera une façon de conclure, l’essai magistral du grand historien Paul Veyne, benoîtement intitulé Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? Le spécialiste de l’Antiquité nous explique, à nous qui nous croyons en surplomb de ces « naïvetés » et de ces « superstitions », que nous obéissons nous-mêmes, tout comme les Grecs de l’Antiquité, à ce qu’il appelle un « programme de vérité », que ce programme est d’autant plus sûrement à l’œuvre qu’il nous empêche de le voir comme tel et comme construction historique, qu’il nous empêche de prendre tout autre programme au sérieux, qu’il fait que notre culture est toute la culture possible, notre conception de la vérité toute possibilité de découvrir la vérité. La mobilisation des héros de la fable dépendait en fait des circonstances, et si, dans le cadre d’un discours solennel de persuasion, en cas de guerre par exemple, il était pertinent et « vrai » de citer Achille ou Thésée, et de convoquer Gorgones, Chimères ou Titans, au même titre que de vrais personnages historiques, ce n’était pas pour autant que l’historicité biographique de ces figures de légende étaient reconnue : les Grecs prenaient même de la distance critique avec leurs propres mythes en en ridiculisant l’invraisemblance, comme Lucien de Samosate, mais c’était par le biais d’une fiction narrative tout aussi fantaisiste et invraisemblable… Jouer avec les héros, les monstres et les dieux pour se moquer de toutes ces histoires n’a rien de contradictoire ; dans l’Antiquité, il était plus facile de remettre en cause l’existence des dieux que celle des héros.

 

*

 

Vingt siècles après Aristote et Platon, la remise en faveur du patrimoine légendaire antique, que le Moyen Âge avait conservé mais au prix de l’allégorèse, fortifiée par un infléchissement de la religiosité chrétienne vers moins de pénitentialité, moins de culte marial et moins d’intimidante hagiographie, se trouve ici magnifiquement illustrée par une épître amicale qui en concentre la savoureuse utilité, la capacité à séduire et à surprendre, et l’immense potentialité narrative.

En ménageant au cœur de son poème votif une vaste parenthèse mythologique de quarante vers qui réveille en sursaut après les développements lénifiants et routiniers sur l’inévitable ordre des choses, Ronsard honore son épiscopal destinataire en le régalant d’une récréation propre à chez fortifier chez lui un sentiment certes très humain, voire trop humain dans son immodestie, et qui a quelque chose à voir avec l’impatience infantile et le goût puéril pour le  mouvement et la variété tout autant que pour l’héroïsme naïf. La résignation chrétienne à soixante ans, c’est bien bon, mais retrouver les « super-héros » de son enfance, c’est encore mieux ! Cette épître n’est pas seulement un amical soutien, elle tente aussi, dans la malicieuse connivence de l’amour de la fable antique, une cure de jouvence. Et c’est bien là que la littérature est la plus forte.

   

Université de Rouen-Normandie

CEREdI (EA 3229)

 

2018年中法文学研讨会

绍兴中法文学研讨会的讲话

泽维尔·邦尼尔16世纪的法国文学

诗人,主教和野猪。给夏尔··皮斯勒信中的龙萨的艺术

我的同事米歇尔谈到了法国中世纪最著名的小说家克雷蒂安··特罗亚,我将沿着她的逻辑,讲述龙萨为我们留下的印记,因为他是法国文艺复兴时期最著名的诗人。人人都能引用:“美人,我们去看看玫瑰” 这句著名的颂诗,或是他诗人生涯尽头的那句“当你老了,晚上,烛光摇曳”。从来没有一本法国文学教科书,不管它多薄,会忽视他的作品。

与其他作家或艺术家不同,他没有等到身后才被认可:如果说克洛德·莫奈死于贫困,普鲁斯特不得已以作者的身份自己出版作品,那么这位来自旺多姆地区的诗人则在生前就被认为是最好的诗人之一,甚至被认为是法兰西帝国最好的诗人;他七星诗社社长的权威从来没有被质疑过,16世界末,一位著名的历史学家艾蒂安·帕斯基耶尔对龙萨这样评价道:“龙萨用我们的语言代表了荷马、品达、忒奥克瑞图、维吉尔、卡蒂勒贺瑞斯、彼特拉克,并且以恰当的方式,尽可能多得丰富了他的风格,时而高调、时而中调时而低调。”在这一致敬中,一切都很重要:他肯定了龙萨写作英雄史诗、抒情诗、市民诗歌、田园诗歌、讽刺诗、情色诗,当然还有爱情诗的能力。宗教战争期间,只有为天主教服务的战斗诗歌被湮没了,这或许是出于外交原因(比如不要让新教读者不高兴),或者是由于这些诗里的才气不足以说服人,远远比不上其他类型的诗。

然而,后人对他的推崇并非没有遭遇障碍或衰落:十七十八世纪,是语法学家和逻辑学家的世纪,他们蔑视一个博学且拥有丰富时态表达的作者,一个非常有创造性和异想天开的语言的作者,一个并没有完成每个人梦寐以求的伟大史诗作品的作者。

龙萨,——除了戏剧经文之外,很长一段时间被称为“戏剧诗”——无拘无束地尝试了各种类型的诗,其中一些类型被他从长久以来一直沉睡的状态唤醒了,比如颂诗,尤其是赞歌。他在国际上享有盛名,长时间以来,被公认为“诗歌王子”,甚至排名在他那个时代的马洛特、杜贝莱或奥比涅之前。

他也是最多产的作家,或者至少最多产的作家之一。他的作品非常丰富,洛莫尼耶出版社出版的二十卷证明了这一点,这些作品对于这位出版商来说也是一生的心血,直到他死后才由勒贝格和西尔维完成。因此,龙萨的职业生涯无论在长度、数量还是多样性方面都是卓越的。

如果要对文艺复兴时期的法国诗歌做一个简短的介绍,那么首先出现在脑海中的必然是他,这是因为与他同时期的很多人不同,他并没有借口不懂或者完全沉迷于写诗而对那个时代的论战置身事外,——那些论战当时非常激烈。比如说塞弗,就因天主教或者改革的原因没有参与;杜倍雷、马尼、佩勒提耶、雅米都谨慎地避免。当然,马洛特在此之前,曾因为为福音教派服务,做出了不谨慎诗人的例子,也为此付出了沉重的代价(两次流亡,好几次被监禁,受到的保护也时有时无,总之命途多舛)。

所有这些因素使我的演讲主题拥有三重挑战:首先,我要在这么短的时间内提及如此丰富及复杂的作品;其次我也要避免无用地推开已经打开的门,因为龙萨在法国很出名,他在中国以及其他国家也很出名,我没有必要来到绍兴跟大家介绍说龙萨是一名伟大的诗人,那样,我还不如待在家里,重新读读鲁迅的作品;最后,我也不能就他作品中某一处既模糊又确切的一点展开技术性的讨论,这当然会吸引一些专业的听众,但在这个主题多元化及多世纪的会议中是不合时宜的。

因此对我而言,我别无选择,只能以克尔凯郭尔的著名论断开始“并非是道路艰难,而是艰难本身就是道路”。

这也是为什么,我并没有回顾龙萨的生平,而是强调在我的眼里,这位诗人身上更具特色,但不总是被人注意到的地方:他对文学本身的品味,并不乏某种幽默。

为了阐明龙萨的真正职业,最高尚和最具体意义上的职业,我希望跟大家一起分析一篇在某种意义上较“平均”的文本,也就是说,这篇文本既没有被大众广为熟悉,但也不是次要的,或者被彻底遗忘在抽屉里。这就是《给孔东主教夏尔··皮斯勒的信,》发表于1555年《赞美诗》第一本中。

*

背景很简单:夏尔··皮斯勒是弗朗索瓦一世的情妇安娜·德·皮斯勒的兄弟,1564年,安娜·德·皮斯勒成为埃唐普公爵夫人;夏尔自1541年起,成为布尔格伊修道院院长,接着做了门德和孔东的主教,1550年的颂诗里,龙萨为他题献了好几首。他在龙萨的职业生涯中发挥了重要作用,因为当龙萨40年代末为他读他的头几篇诗歌时,他责备龙萨没有瞄准更高的目标。

这篇文章乍一看是一部应时的作品,更确切的说是表达了对病人痊愈的愿望,因为收信人生病了,它也不具备哲学作品的特点,比如颂扬的赞歌(《黄金、正义、永恒的赞歌》)或者英雄的赞歌(《卡拉伊斯和仄忒斯》波鲁克斯卡斯托耳》)。另外,这部作品在1584年的版本中被删掉了。它是最短的诗歌之一(《波鲁克斯卡斯托耳784……)。这部作品写于《基督徒赫拉克勒斯》之后——献于奥代·德·沙蒂隆,对龙萨来说,一个重要很多的人物;写于其他几部不太重要的作品之前(《路易士·德·马伊的墓志铭》,《阿尔图斯·德·弗农的墓志铭》),在某种程度上它让龙萨这套诗集的第一本书轻轻合上,回归到真实人物的真实事件中。

然而,它不仅没有被中间几代出版商删掉(1560年版,1573年版,1578年版,即使信中的人物在1564年就去世了),而且跟其他作品一样,也接受了校正、修正和修饰(引号、拼写、语段的调整)。这意味着在作者眼中,它有着极其重要的地位,尽管它乍一看上去并非不可缺少。

另外,这首诗的整体安排显示龙萨想要展现他的人文博学以及友好礼貌的关怀。

I.1-38:受到普鲁塔克的启发,以拟人手法说明人类接受不幸和痛苦时刻的必要性。

II. 承上启下,39-42:夏尔以他坚定的灵魂勇敢地验证了这一原则。

III.43-50, 回想野猪狩猎中发生的事故,光荣而值得称赞。

IV.51-54.第二个安慰或鼓舞人心的论点:杰出的前辈们在与野猪血腥对抗中的英勇表现。

V.55-84 以神话故事的总结继续展开这一比较。

       -55-66:伊德蒙,阿耳戈英雄(来源:阿波罗尼奥斯,I,139sq.,II,815sq

       -67-74: 安开俄斯, 俄纽斯的亲戚,后者是埃托利亚国王卡吕冬)(来源奥维德《变形》VIII,273sq

       -75-84: 在奶妈面前,尤利西斯展示他的伤疤(来源:《奥德赛》XIX,386sq

VI. 对上帝和这些英雄所展露的勇气做最后的赞美和鼓励。

因此,作为多拉的好门徒,龙萨“拿出所有的筹码”,调动了他知道的关于可怕的野造成的伤口的所有信息,从而展示了他的渊博是所有信息吗?不完全是,因为他挑选过,这意味着他并没有引用所有的例子,而是选择了其中一些,比如,他没有提及厄律曼托斯山的野猪 ,也没有提及杀死阿多尼斯的野猪。如果说前一个例子没有被提及很好理解(赫拉克勒斯并没有受到野猪的伤害,反而狡猾地击败了它,因此这个引用将是不恰当的),那么后一个例子就要好好想一想才能解释;或许阿多尼斯这个人物俊美动人,甚至美神阿佛洛狄忒对其一见钟情,他太脆弱,因而成为受害者;此外,他是卡尼拉斯与自己的女儿密拉乱伦的产物,这段不伦的关系本身又是因为阿佛洛狄忒的报复。阿多尼斯设法用矛击中了公猪,但返回的路上死去了,滴滴鲜血化为鲜艳的红玫瑰。因此,用他与一位高尚的主教作对比可能没有诗人之前举的三个例子恰当。不过,如果只是需要凶恶的野猪形象,而不强调对手的个性,那么阿多尼斯的寓言故事是最著名的论据。

另一个让人惊讶的主题也在这里出现了:为什么引用这些异教徒的例子,为什么只有异教徒的例子?我们当然知道,恢复希腊 - 拉丁神话遗产是文艺复兴时期的特征之一,它始于意大利,然后兴于法国及其他欧洲各国;众所周知,教会的审查是有效而且严苛的,却没有禁止在严肃文学中提及古代神话,因此,古代神话至少没有在严格的神学层面与基督教形成竞争;大家都知道,众多杰出而严肃的宗教人士喜欢阅读,他们有时编辑、评论、模仿或以粗俗的方式重写这个巨大故事宝库里的这个或那个事件,有时又按照“被教化的奥维德 ”和其他启发性寓言的例子来检索和引导它,就像十四世纪流行的一样,有时仅仅是把它当做单纯的寓言故事陶醉其中,因为这个故事宝库本来就是疯狂的,或者效果是适得其反的,它非常笨拙,要压抑,就好像它们对于基督的榜样和一神论正统观念是一种威胁。罗马教皇二世,民间名字埃尼·西欧维欧·皮科洛米尼曾写过一部相当轻浮的戏剧《克里西斯》, 红衣主教本博是经典古代文化的鉴赏家,他曾在他的《阿佐兰》一书中编写了关于爱情的微妙对话。像当时的许多文学家一样,拉伯雷龙萨也对神话着迷,接受了一些小命令,绝不对此置身事外

然而,这是一个帮助高级天主教神职人员而不是一些富裕的中产阶级公民来忍受疾病和残疾的问题;

另外,在诗的开头(如果上帝要让我们承受这些不幸,像天使一样9-10行)和结尾(要充满勇气,谦卑地祈求上帝,因为上帝是宽容的……,86-87行)都没有忘记基督徒的上帝:名词的单数,对异教神话中不曾有的天使的提及,以呼语的方式提醒皮斯勒的官方职位这些都阻止了在一神论和多神之间浮动的想法,虽然这有时会发生

尽管如此,漫长而雄心勃勃的戏剧《基督徒赫拉克勒斯》展示了两种宗教信仰之间的潜在竞争,并且非常辩证地展示了在另一种宗教的历史和符号学至上的情况下重新吸收一种宗教信仰的具体方法;

最后,圣经中充满了在各种公共或个人灾难中,对上帝的信念和希望中坚韧和成功的例子,这让我们想到了约伯,他在最痛苦的时候也没有咒骂上帝,只是诅咒他出生的那天;我们也会想到旧约或新约的无数先知、圣徒、使徒和殉道者,他们心甘情愿地接受上帝允诺或者派来的考验,比如马加比兄弟和他们的母亲及大祭司一起遭受磨难,又或是沃拉吉纳的《黄金传说》中的人物,还有罗马迫害中的英雄们。

于是,就好像基督信仰的首要地位和由此而来的苛刻智慧暂时消失了,是讲述三个美丽的异教徒的时候了;似乎严肃的神性允许在通常的想象力云层暂时打开一个缺口,在几乎被遗忘但又明亮的空中重新竖起拉丁及希腊寓言中那些供人消遣及振奋人心的威望。甚至,将这个假设推得更远,好像龙萨特意进行一种娱乐和“快乐的闲谈”来让他的收人振作起来。

事实上,在重新创作(因为他重新创作了阿波罗多罗斯奥维德和荷马之前讲述的故事)和娱乐消遣(因为这三个故事让读者立刻从奋斗、痛苦和劳作中解放出来)之间,龙萨用了三十多行诗偏题到了最遥远的国家。故事的选择以及他抛出第一个故事的方式,都表明诗人打出的是异国情调和奇特感的牌:伊德蒙是一个非常次要和稍纵即逝的角色,甚至在阿尔戈英雄征途中也是短暂存在(他只是出现在第一章杰森数不清的同伴的名单之中),但是婉转指代他的方式足以让读者思考,因为这种婉转的说法触及了谜团或谜语:L’Abantiade 是诗的第一个词,对于不了解阿尔戈英雄的人来说是几乎不可能理解的一个形容词:它的意思指他是不太杰出的阿尔戈斯国王阿巴斯的后裔,阿波罗多罗斯在文章中指出这是捏造的,因为事实上他是阿波罗的儿子——但这里这位希腊作家有点作弊,因为这意味着他必须从一位神那里接受他会占卜的天赋。尤其是,Abantiade并没有非常接近 Abantos,以至于可以立即给予他阿波罗儿子这样一个身份,这也可能正是龙萨趁势给予他阿巴斯后裔这个身份的原因。

Ἴδμων δ' ὑστάτιος μετεκίαθεν, ὅσσοι ἔναιον
Ἄργος, ἐπεὶ δεδαὼς τὸν ἑὸν μόρον οἰωνοῖσιν        140
ἤιε, μή οἱ δῆμος ἐυκλείης ἀγάσαιτο.
Οὐ μὲν ὅγ' ἦεν Ἄβαντος ἐτήτυμον, ἀλλά μιν αὐτὸς
γείνατο κυδαλίμοις ἐναρίθμιον Αἰολίδῃσιν
Λητοΐδης· αὐτὸς δὲ θεοπροπίας ἐδίδαξεν
οἰωνούς τ' ἀλέγειν ἠδ' ἔμπυρα σήματ' ἰδέσθαι.   

(伊德蒙最后一个来到阿尔戈斯;鸟儿的预言已经为他预告了自己的命运:但他还是来了,因为他害怕人们会蔑视他的好名声。他不是真正的阿巴斯之子;他是勒托之子所生,也是他教给他预知、观察鸟类、从牺牲者的心肠中找到预兆。)

甚至杰森都没有直接被提及,而是通过他的后人被提及。

接下来提到的安开俄斯对读者来说也并不轻松:他本身也不是主流人物,不是加上一头野猪就能把事情讲清楚,甚至在头几版中的一个决定性的地名上诗人都犯了严重的错误,因为龙萨在1555年和1567年的版本中讲到Calybde«  尘土»(灰尘,满是灰尘的世界),然后在1571年又说是Calybe的尘土:很明显,每个人都会想到卡律布狄斯漩涡,西西里岛海峡等待航海者的可怕旋涡,如果他们躲过了旋涡,还有斯库拉女海妖在悬崖的洞穴中等着他们。 但在卡律布狄斯漩涡周围根本没有野猪!一直要读到第79行的戴安娜的神圣公猪,才开始对人物有了初步的认识,后来修订Calybde卡吕冬;另外对俄纽斯这个名字也不是十分确定,以及诗歌第71行森林和野兽女神的牺牲也被轻率地忽略了。

只有尤利西斯以他的本名被引用,被作为第三个被野猪伤害的英雄的例子。

但是,对他以及他前面的两个人物,龙萨同样展示了自己延长愉悦的能力,他练习了扩展,这是一种古老的修辞练习,之前这种修辞娱乐的另一面没有被足够强调:作者打算还一个物体或一个人甚至是一个事件的真正重要性以公道,通过积累论证和事实来实现伊索克拉底所谓的理想修辞,即“让原本小的变大,原本大的变小”;当他提及伊德蒙、安开俄斯以及尤利西斯的时候,龙萨只是热衷于刻画人物的特点、累积一些背景和特征,而并无实际需求:更确切的说,他在实践修辞学上的变换反复,也就是说为了强调这种或那种品质,用不同的术语重新构造同一个想法:“伟大的预言者和先知”这一说法足以修饰伊德蒙,但龙萨又以同位语的方式补充道,

Du sainct vouloir des Dieux aux hommes l’interprete, 传达上帝话语

Qui lisoit le futur es cœurs des animaux,通过动物的心读出未来

Qui entendoit la langue, & le vol des oiseaux, 能听到鸟类的语言

这对前文已经说过的预言者及先知是完全多余的解释。

安开俄斯,龙萨以多种方式增加娱乐的效果,他并没有夸张地渲染墨勒阿革洛斯这位同伴所谓的品质,或者与对他致命的野兽对抗的细节——有一种有趣的可能,事实上,他在别人面前非常自豪,因为他的勇气超越了女人,或者野猪在他挥动斧子前攻击了他——,龙萨在一系列解释性价值主张中转向这场悲剧的前一阶段和原因,即野猪,他明确道……,

…Qu’elle avoit envoyé depitte contre Œnée,她派出野猪去攻击俄纽斯

Lequel ayant cueilli tous les fruictz de l’année因为后者收获了一年的收成

Avoit payé la disme à tous les Immortelz,对众神进行了祭司

Ayant mis à mespris Diane & ses autelz.唯独忘了戴安娜

在谈到尤利西斯的时候,他同样倾向于延长主题,示范丰富,其中计谋是其主要的特征:一连串的关系从句渲染了足智多谋的英雄主题:

Ulisse qui passa les hommes en faconde,尤利西斯胜过所有人

Qui fut le plus accort, & le plus fin du monde,他是世界上最有计谋的人

Qui de nuict deroba le sainct Palladion,在夜晚偷走神圣盔甲

Et deguisé, congneut tous les fortz d’Ilion,乔装打扮,攻破了特洛伊城

很明显,这里他回顾了英雄的品质,但跟野猪攻击受到的伤没有多大关系……龙萨原本还可以继续很久,比如回顾他战胜波吕斐摩斯、困于卡吕普索身边或者瑟茜这一段……反过来说,他原本也可以避免延长这一点,只满足于回顾他的智慧。接下来的段落详细讲了受伤之后,就像开头详述了受伤之前一样(80-84行描述了奶妈认出伤疤的场面,而完全不是在祖父家打猎的场面),似乎狩猎中的事故并不重要,只是借口无休止地写出一连串亚历山大体的诗句,来赋予一个人物价值从而取悦收信人。

这一切是严肃的吗?很明显,本着大文豪豪尔赫·路易斯·博尔赫斯对自己作家职业所说的精神“我在以一个玩得很开心的孩子的严肃精神进行写作”,龙萨写得很开心,但是是以学术的方式。 不过,要完全理解这种写作的精神,仍然需要迈出一步,在这个阶段,这种写作似乎只是混杂的、复合的、拼凑而成的,它一方面有一个基督教的开始和结束,另一方面中间又用异教徒例子来推进,换句话说,它是混乱的、不平衡的而非和谐的。两者之间的过渡,因为这种过渡既是至关重要又是审慎的,它告诉我们在龙萨笔下或者更广泛地讲在法国文艺复兴时期诗人笔下神话的确切地位:在鼓舞皮斯勒的斗志,并帮助他痊愈的动机里,不仅仅是从第一行到42行的屈从的精神力量(作为一名优秀的基督徒,主教应该接受晴天和雨天、幸福和灾难的交替,这是安慰人时的老生常谈);除此之外还有两个论据:第一,从43行到50行,回忆他受伤的高贵行为:在一段明确额外的段落里,龙萨回忆到,咬伤皮斯勒的野猪嘴里“像是含着闪电与暴风雨”,甚至会吓坏大力士赫尔克里,那是头勇猛的野猪,而不是会逃跑的矮小的猪或是狍子。但这里是对个人功绩的强调,这种功绩完全没有建立在对上帝的信仰之上,它只是简单地更新了在对抗的危险中表现相应的勇气这样一个旧主题。没有任何基督教含义在里面,甚至这种对价值的赞美与对手的价值挂钩有一点先基督教甚至反基督教的意味,因为它表明并事先假定战争和暴力:基督徒拒绝竞技场比赛、残酷的血腥战斗、对男子气概的无故展示。从很多方面来看,就像许多作家比如塞尔苏斯和尼采强调的一样, 这是一种“女性化”的宗教,它颂扬穷人、病人、弱者、妇女、小孩、体残者,称赞人的同情心。一个伟大的领主和好的基督徒之所以可以去打猎,是因为神职人员尊重娱乐的习惯和习俗,尤其是拥有猎犬队的贵族阶层的娱乐风俗,最好不要反对,但也不鼓励他们:尤其不要把这种习俗变成典范。然而无畏精神的古代典范正是在面对动物的危险时重现,这在古代神话中有大量的例子,比如希波吕托斯、刻法罗斯、阿克泰翁等。通过已有的存在态度让皮斯勒忍受健康状况不佳的这个新论据几乎是矛盾的,首先:这并不是屈从,因为屈从意味着屈辱,而应该是自豪占据上风:皮斯勒可以很自豪被一个可怕的对手刺伤大腿,因为其他人会胆怯地避免这次狩猎。

第二个论点是同样的逻辑:与之前的“同样”那一段形成共鸣来指出一个补充的理由,第51行的“然后,你看”事实上提出了一个非常类似的评价,这一次作为安慰的推动因素不是所面对的动物的价值,而是遭受过同样不幸的著名神话里的前人们;在对之前研究过的伊德蒙、安开俄斯和尤利西斯的小故事的讲述中至关重要的是“英雄”这个词语,之所以说英雄这个词至关重要,是因为皮勒斯主教跟他们具备相似的品质:夏尔··皮斯勒从此以后可以自夸属于真正的勇士、传奇勇士行列,他值得与他们同处一个水平,由此而来第54行至关重要的“同伴”一词。这个词指的是他们都经历过同样的冒险,打破了社会等级、年代史以及历史时间:因为这里谈论的是尤利西斯、杰森的同伴,而不是他们的朋友、他们的臣民,更不是他们的门徒,即使如果他们有一个首领。至关重要的是,龙萨不仅在这三个史诗故事后而且在整首诗后重新运用了那个主语,也就是说他在结尾处两次提及“上帝”。龙萨以狡黠的或者几乎不敬的方式首先鼓励主教培养“希望”的神学美德,但又认为有必要补充——作为结论!——主教应该对目前的境遇放开胸怀,并抱有希望,因为“他有那么伟大的人物作为同伴”。

很明显,好像现在与过去之间、现实与想象之间,但似乎尤其是在与上帝关系的垂直性和人类社会的水平性之间的界限被废除了(诺伯特·埃利亚斯充分回顾了这种摆动在第一个现代性边缘的重要性)。龙萨之所以以一个亵渎的、几乎挑衅的集体参照结束,因为很明显其与基督徒的希望相矛盾,是因为他知道,对于夏尔··皮斯勒来说,或者对于读他信的大部分读者而言,他们已经至少读过奥维德、维吉尔和荷马,希腊和拉丁神话是一个令人心安的熟悉领域,几乎与日常生活的真实圈子一样具体。他逃避野蛮和意义的缺乏,通过呈现与世界历史的宏大竞争,提供了丰富的典范和有趣的反面例子,因为在古代神话中没有人完全的好人或完全的坏人,每个人至少都有他的借口和美德,每个人都有令人钦佩的光辉形象也有阴暗的一面地狱是一个被错误关闭或者错误定义的地方,事实上,人们进去或出来就像进出一个磨坊一样,众神会被凡人欺骗,英雄们几乎不会死掉,怪物们并不总是残酷无情,一个人可以从头骨、大腿中出生,可以拥有十个头,头发可以变成毒蛇,也可以死于原本为别人设计的陷阱……这些角色都是精神生活的支撑点,他们是如此强烈如此接近,以至于他们不再是真正想象的,因为他们被众多细节、感人的故事背景和实际存在环绕着,甚至大部分在旧君主专制制度下的农业和文学社会里还是有意义的,在那个社会里,人们还在敬仰战争头领、演说家,还在狩猎、祭祀,森林还是很迷人,仆人们还是在给主人洗脚。神话的趣味正是存在于它的模棱两可之中:它既不是真实的,或者不完全真实,因为它是不可能的或者太神奇了,因此没必要相信,也不是必须的睡前读物……神话故事的迂回特性提供了一种让人放心的结构,即使我们把上帝搁置一旁,迂回到异教徒的随笔中,依然可以保持其功效。有点像是,因为祝福一位高级神职人员早日康复的愿望是不可或缺的,所以一定要向基督徒的上帝致敬,致敬之后,龙萨立刻在这位1550年时已经60岁老主教的眼皮底下打开了一个长时间锁在阁楼的玩具盒,然后拿出了一个又一个已经有点被人遗忘、布满灰尘的古老塑像,伊德蒙、安开俄斯,最后是尤利西斯。

这一切都是严肃的吗?是的,当然这个问题可以提出来,因为龙萨的策略看上去有趣又狡黠,把可能主要的变成了次要的,在诗中:“首先”这个词在第85行指向了上帝,因为超验性必须占上风,同伴们只有在第89行一处“另外”之后才被认可,被搁置在第二个半句诗句中,——但正是他们拥有最后的话语权,也是他们留下了最确切的印记,尽管或者说因为他们的存在。这能不能说龙萨、皮斯勒或者文艺复兴时期其他的伟大灵魂真的相信神话中的英雄、凶恶的怪物以及荒诞的小故事,甚至到了不能舍弃它们的地步呢?

在这里,我们可以回想伟大的历史学家保罗·维恩的精辟文章,他假装温和地把题目定为《希腊人相信他们的神话吗?》这位古代史的专家给我们解释到,我们只是在服从自己,我们自以为相信这些“天真” “迷信”,就像古希腊人一样,我们服从他称之为的“真理纲领”,这个纲领因为阻止我们看到它本身和历史建构,阻止我们认真对待任何其他纲领,使我们的文化成为所有可能的文化,我们的真理概念成为发现真相的所有可能性,所以在行动中就更加确定无疑对神话中的英雄的动员事实上取决于环境,如果在一个庄严的劝说讲话中,比如发生战争,像提及真实历史人物同样的方式,提到阿喀琉斯或者忒修斯、蛇发女妖吐火怪物或者泰坦巨人,这也并不意味着这些传奇人物的生平历史性得到了认可:甚至希腊人都与他们自己的神话保持一定距离,嘲笑其太不真实,但是以一个叙事故事如此不切合实际及不可靠的角度……写这些英雄、怪物、众神是为了嘲笑他们,这一点也不矛盾;在古代,相比于英雄的存在,人们更容易怀疑众神的存在。

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亚里士多德和柏拉图之后的二十个世纪,恢复中世纪保留的古代神话遗产,因为基督教的宗教情感发生的一些小变动被加强了,没有之前那么苦修,减少了圣母玛利亚的崇拜,少了吓人的圣徒传记,在这里这些又被一封友好的信件完美地诠释了,这封信集合了有趣的效用、吸引及让人惊讶的能力和巨大的叙事潜力。

在他这首许愿的诗里,龙萨通过在诗的核心放置一个四十行的关于神话的题外话,向他的收信人致敬,又通过一种合适的方式让他愉悦,这种方式加强了他身上非常人性的情感,甚至在他的不庄重中过于人性,这与对天真的英雄主义幼稚的品味有关。在60岁屈从于基督教,这不错,但重见他童年时的“超级英雄”就更棒了!这封信不仅仅是对朋友的支持,它还尝试通过古代神话让人重新恢复活力。正是这里文学才更加强大。